Voir notre POLITIQUE DE CONFIDENTIALITÉ.
Paul-André Gallant, MBA, ASC, M.P.O., orthophoniste, président de l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec
Jérémie Duval, audiologiste et directrice de la qualité de la pratique de l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec
Marie-Philippe Rodrigue, orthophoniste et présidente de l’Association québécoise des orthophonistes et audiologistes
Marie-Ève Beaulieu, audiologiste et représentante en audiologie de l’Association québécoise des orthophonistes et audiologistes
Un article paru récemment dans le Journal de Montréal et le Journal de Québec présentait les craintes de plusieurs actrices et acteurs du secteur de l’audioprothèse face à une pénurie de main-d’œuvre pour la vente de prothèses auditives, alors que la demande pour ces appareils ne cesse d’augmenter et que les inscriptions aux programmes collégiaux diminuent.
Pourtant, une solution existe. Les audiologistes tendent la main aux audioprothésistes avec la volonté commune d’améliorer la santé auditive de la population québécoise. En toute collaboration, ces professionnelles et professionnels pourraient poser et distribuer des appareils auditifs aux côtés des audioprothésistes. Les audiologistes détiennent une maitrise universitaire et possèdent déjà la formation et les compétences pour exercer toutes ces activités.
C’est d’ailleurs ainsi dans les autres provinces canadiennes et aux États-Unis. À titre comparatif, en Ontario, le nombre de personnes autorisées à poser et distribuer les appareils auditifs est estimé à 3000, soit 6 fois plus qu’au Québec pour une population d’un peu moins du double.
Un frein législatif majeur empêche toutefois ce scénario de se réaliser. En effet, la vente de prothèse auditive est une activité réservée à une seule profession, celle d’audioprothésiste. Bien que les audiologistes, spécialistes de l’audition, exercent déjà au sein du système de santé, elles et ils ne peuvent que prescrire et ajuster. Cette situation unique au Québec est due au Code des professions, un texte législatif qui, rappelons-le, célébrait dernièrement son cinquantième anniversaire. Inutile de dire que les besoins en matière de santé et d’accès aux soins et services ont bien changé en quelques décennies.
Actuellement, le Québec compte 500 audiologistes. En permettant à ces professionnelles et professionnels de distribuer des prothèses auditives, cela viendrait augmenter significativement et rapidement les effectifs, tout en améliorant le continuum de soins. À cela, ajoutons que depuis 2022 le nombre de diplômées et diplômés en audiologie a doublé.
Selon l’Organisation mondiale de la Santé, une personne sur quatre vivra avec une perte auditive d’ici 2050. Il s’agit d’un véritable enjeu de santé publique et le Québec n’y échappera pas! Aujourd’hui, c’est 864 000 Québécoises et Québécois qui présentent une déficience auditive permanente, soit 10 % de la population. C’est l’une des déficiences physiques les plus répandues. Environ 32 % des personnes âgées de 65 ans ou plus ont une déficience auditive suffisamment importante pour nuire à leurs activités quotidiennes.
Une déficience auditive non traitée entraine des conséquences négatives pour la santé : augmentation du risque de démence, fatigue cognitive, isolement social, diminution de la qualité de vie et des activités, détresse psychologique, anxiété, risque de chute, perte d’emploi, etc. Tout cela engendre des coûts importants et évitables pour notre système de santé.
Un meilleur accès aux appareils auditifs ferait une réelle différence. Il serait possible d’améliorer les continuums de soins et de services et ainsi influencer durablement et positivement les conditions de vie des personnes tout en réduisant la demande et l’intensité des soins et services, et les coûts qui en découlent.
Une solution simple existe, mais elle demande du courage et une volonté politique. Alors que de grands travaux pour l’élargissement des pratiques professionnelles sont en cours en marge du Plan Santé, le gouvernement du Québec doit saisir l’opportunité et agir rapidement pour la santé auditive de la population.