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En mars 2000, l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec (OOAQ) avait publié le Guide de pratique à l’intention des audiologistes concernant la situation de la suramplification auditive et la gestion des risques associés. La technologie des aides auditives ayant grandement évoluée depuis sa publication, ce document étant désuet, il a été retiré et remplacé par la présente fiche élaborée selon la plus récente littérature scientifique.
Assurer la pratique factuelle des audiologistes au sujet de la suramplification auditive afin d’offrir des services sécuritaires et de qualité.
Soutenir et encadrer la pratique des audiologistes qui interviennent auprès de personnes à risque de suramplification auditive.
S’assurer que les audiologistes soient en mesure d’informer les porteuses et porteurs de prothèses auditives ou leurs proches des conséquences possibles de la suramplification auditive sur l’audition afin de pouvoir prendre une décision libre et éclairée.
Les audiologistes qui travaillent auprès des porteuses et porteurs de prothèses auditives doivent se tenir à jour dans ce domaine et tenir compte des principes scientifiques généralement reconnus et des meilleures pratiques. Le Guide de référence pour la pratique en amplification auditive auprès d’une clientèle adulte de l’OOAQ (2012) est d’ailleurs disponible pour les membres sur Socrate afin de les accompagner dans le processus d’appareillage auditif comprenant quatre étapes :
Depuis l’avènement de la compression dynamique (wide dynamic range compression) et sa généralisation aux prothèses auditives, les méthodes de vérification ont grandement évoluées. À l’époque de l’amplification linéaire, il fallait parfois faire un compromis entre l'audibilité et le maintien de niveaux de sortie maximale sécuritaires, plus particulièrement pour les personnes ayant des surdités de degré sévère à profond. Avec les prothèses auditives numériques et la compression non linéaire, il est maintenant possible d’assurer l'audibilité tout en maintenant le confort et la sécurité des porteuses et porteurs.
Les méthodes prescriptives et les mesures de vérification des ajustements des prothèses auditives ont également été adaptées au traitement non linéaire de celles-ci pour fournir des estimations prudentes des niveaux de sortie maximale sécuritaires. Ces changements ont amené la nécessité de réévaluer les questions liées au potentiel de suramplification.
Il y a peu d’études sur la suramplification auditive étant donné qu’il ne serait pas éthique de causer des dommages permanents à l’audition des participantes et participants. Des études longitudinales ou basées sur la modélisation du risque de suramplification menées auprès d’une population pédiatrique ont pu permettre de contourner cet enjeu éthique et leurs résultats peuvent se généraliser à une population adulte.
Ching et ses collègues (2013) se sont pour leur part basés sur les travaux antérieurs de Macrae (1993) sur la modélisation du potentiel de suramplification pour estimer le risque de suramplification auditive chez les enfants. Ils ont étudié les niveaux de sortie maximale de leurs prothèses auditives qui étaient ajustées selon des méthodes prescriptives non linéaires, soit DSL v.5 et NAL-NL2. En utilisant les critères de sécurité de Macrae (1993), les chercheurs ont comparé les niveaux de sortie maximale prescrits par ces deux méthodes pour divers degrés et configurations de pertes auditives. Ils ont trouvé que les méthodes prescriptives DSL v.5 et NAL-NL2 recommandaient des niveaux de sortie maximale sécuritaires sauf pour quelques exceptions. En effet, ils ont conclu que l'utilisation des niveaux de sortie maximale prescrits par DSL v.5 pour les enfants ayant une perte auditive sévère ou profonde (>70 dB HL) pourrait les exposer à un risque de perte auditive induite par l'amplification. Pour ce qui est de NAL-NAL2, le potentiel de suramplification surviendrait pour les enfants ayant une surdité profonde (>90 dB HL) seulement.
Toutefois, ces résultats doivent être traités avec prudence, car des limites importantes ont été relevées. L’étude de Ching et al. (2013) était basée sur des données uniquement empiriques qui devaient être validées. De plus, les niveaux de sortie maximale sécuritaires estimés étaient basés sur les seuils auditifs en dB HL. Rappelons qu’en raison des variations de la taille et de l'acoustique du conduit auditif externe chez les jeunes enfants, le niveau de pression acoustique dans le conduit auditif peut varier de 15 à 20 dB SPL pour un même seuil auditif en dB HL. Non seulement le risque de suramplification auditive varie d'un enfant à l'autre, mais il peut varier dans le temps pour un même enfant en fonction de la croissance du conduit auditif et de son effet sur l'acoustique de celui-ci.
De leur côté, l’équipe de chercheurs de Walker (2021) a mené une étude longitudinale de 10 ans sur les performances auditives et de langage d’enfants malentendants. Dans le cadre de cette étude, ils ont recueilli des données sur les seuils auditifs, l'acoustique du conduit auditif externe et l’ajustement des prothèses auditives de plus de 300 enfants appareillés. Dans leur échantillon, les ajustements des niveaux de sortie maximale de certains enfants dépassaient les cibles maximales prescrites par les méthodes prescriptives. La présence d'un groupe d'enfants exposés à de la suramplification dans leur échantillon leur a permis d'étudier les effets de la suramplification auditive sur les seuils auditifs. Les données sur l'acoustique du conduit auditif externe leur ont aussi permis de tenir compte des effets de la variabilité individuelle sur le risque de suramplification.
L'une des principales conclusions de cette étude est que l’utilisation de dB HL pour estimer le potentiel de suramplification surestime le risque. Ce risque doit plutôt être estimé à partir de dB SPL qui tiennent compte des différences individuelles de l'acoustique du conduit auditif.
Les seuls changements de seuils auditifs observés dans cette étude constituaient une légère détérioration des seuils en dB SPL au fil du temps pour les deux groupes d’enfants avec ou sans suramplification auditive. Cette détérioration est associée à une augmentation du volume du conduit auditif et à une réduction des différences entre l'oreille et le coupleur 2cc (RECD) qui se produit au fur et à mesure que les enfants grandissent. L’évaluation du risque de suramplification auditive chez les jeunes enfants doit donc tenir compte des variations de la taille et de l'acoustique du conduit auditif en utilisant le RECD individualisé (Bagatto et al., 2005).
Ces analyses soutiennent l'utilisation des meilleures pratiques pour la vérification des prothèses auditives chez les enfants afin de s'assurer que les signaux acoustiques sont audibles et bien ajustés aux cibles des mesures prescriptives. Il n'y a actuellement aucune preuve qui justifie d'ajuster les prothèses auditives au-dessus des niveaux prescrits pour tenter de fournir une plus grande audibilité de la parole. Les résultats de l’étude de Walker et ses collègues (2021) suggèrent également que très peu d'enfants présentant des pertes auditives de degré léger à sévère seront à risque de suramplification auditive si leurs prothèses auditives sont ajustées en fonction des mesures prescriptives reconnues. Selon les auteurs, le risque le plus important dans cet échantillon n’était pas la suramplification, mais plutôt son contraire puisque près de la moitié des ajustements des prothèses auditives étaient sous les cibles des mesures prescriptives. Cette réduction d’audibilité de la parole devenait alors un risque important pour le développement du langage de ces enfants.
Selon l’American Academy of Audiology (AAA) (2013), il est peu probable que les niveaux de sortie maximale dépassent les niveaux sécuritaires si les conditions suivantes sont respectées :
Pour les cas où de la suramplification auditive serait soupçonnée, AAA recommande la surveillance du décalage temporaire des seuils auditifs (AAA, 2013).
Le décalage temporaire des seuils auditifs peut être :
La suramplification survient lorsqu’une porteuse ou un porteur de prothèses auditives est exposé à des niveaux sonores considérés potentiellement nocifs pour le système auditif provocant un décalage temporaire ou permanent de ses seuils auditifs.
Pour les situations exceptionnelles où il a été jugé que l’audibilité de la parole prévaut sur le risque de suramplification, la porteuse ou le porteur de prothèses auditives ainsi que ses proches doivent être informés des dommages possibles sur l’audition et la détérioration permanente des seuils auditifs. Une décision devra alors être prise afin de déterminer si l’audibilité ou la sécurité est priorisée. Dans tous les cas, la porteuse, le porteur ou ses proches doivent être bien accompagnés pour pouvoir prendre une décision libre et éclairée. Celle-ci doit évidemment être bien consignée au dossier.
Il est primordial de respecter les meilleures pratiques de vérification des prothèses auditives et de surveillance du décalage des seuils auditifs afin de fournir aux porteuses et porteurs l’accès à une bonne audibilité de la parole tout en s’assurant que les niveaux de sortie maximale soient sécuritaires, et ce, afin d’éviter le risque de suramplification auditive. Une approche en partenariat avec la personne ou sa famille assure une prise de décision libre et éclairée dans les cas où un compromis doit inévitablement être fait entre l’audibilité et la préservation de la fonction auditive résiduelle.