Guide de référence pour la pratique en amplification auditive auprès d'une clientèle adulte

Juin 2022

REMERCIEMENTS

Dans le but d’uniformiser les connaissances et compétences de ses membres à l’égard du processus d’appareillage, l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec lançait au printemps 2009 le Programme de mise à niveau et perfectionnement en aides auditives (M.a.p.). Cette formation en ligne propose notamment une démarche en quatre étapes (l’évaluation, la sélection, l’ajustement et la validation du choix de la prothèse).

L’Ordre tient à remercier les membres du comité M.a.p. 2007 - 2010 pour l’immense travail réalisé dans le cadre du développement du programme contenant trente-cinq modules de formation en ligne et une journée pratique :

  • Liliane Brunetti, M.Cl.Sc. audiologiste ;
  • Manuel Charbonneau, MPA, audiologiste ;
  • Martine Gendron, M.Sc., audiologiste ;
  • François Joubert, MOA, audiologiste ;
  • France Lacombe, MOA, audiologiste ;
  • Sylvie Lepage-Gagnon, MOA, audiologiste ;
  • Louise Perreault, MOA, audiologiste.

En raison des changements rapides et constants dans le domaine des technologies de l’amplification auditive, l’Ordre propose de reprendre, dans le Guide de référence pour la pratique en amplification auditive auprès d’une clientèle adulte, les principes généraux édictés dans la formation M.a.p.

L’équipe de rédaction de l’OOAQ :

  • Catherine Sabourin, M.Sc.S., audiologiste, conseillère aux affaires professionnelles ;
  • Ronald Choquette, Au.D., audiologiste, consultant pour le Programme de mise à niveau et perfectionnement en aides auditives (M.a.p.).

Avec la collaboration de :

  • Sylvie Bilodeau, MOA, audiologiste et présidente du comité d’inspection professionnel ;
  • France Désilets, MOA, audiologiste et membre du comité d’inspection professionnelle ;
  • François Bergeron, Ph. D., audiologiste, professeur et vice-président du conseil d’administration de l’Ordre ;
  • Isabelle Cabot, MOA, audiologiste et administratrice ;
  • Josée Larocque, MOA, orthophoniste, directrice des services professionnels ;
  • Marie-Pierre Caouette, MOA, orthophoniste, présidente et directrice générale.

Afin de s’assurer que le contenu du guide est adapté au contexte de la pratique de l’audiologie au Québec, une consultation a été menée auprès d’audiologistes reconnues et reconnus par leurs pairs et issues et issus de différents milieux, notamment les centres hospitaliers, les centres de réadaptation, les cliniques privées et le milieu universitaire. L’OOAQ tient à remercier ses membres qui ont contribué à la révision de ce document :

  • Alexandra Cloutier, MPA, audiologiste ;
  • André Sirois, Sc, audiologiste ;
  • Annie Marcil, MOA, audiologiste ;
  • Daniel Bois, MOA, audiologiste ;
  • Éric Deschenes, Au.D., audiologiste ;
  • Martine Gendron, MOA, audiologiste ;
  • Mathieu Hotton, MOA, audiologiste ;
  • Stéphane McDuff, MOA, audiologiste ;
  • Sophie Waridel, MOA, audiologiste et administratrice sortante ;
  • Hélène Boivin, MOA, audiologiste et administratrice.

PRÉAMBULE

Le processus d’appareillage de la personne malentendante est une démarche complexe. Dans sa mission de protection du public, l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec (OOAQ) souhaite que les personnes atteintes de surdité et leurs familles bénéficient des meilleurs services auxquels elles ont droit dans toutes les régions du Québec. À l’instar d’autres provinces canadiennes et d’autres pays, c’est dans le but de soutenir les audiologistes dans leur pratique clinique quotidienne que l’OOAQ a développé ce Guide de référence pour la pratique en amplification auditive auprès d’une clientèle adulte. Des travaux concernant la clientèle pédiatrique seront menés ultérieurement.

Ce document présente des pratiques qui font consensus dans la littérature internationale et qui sont le reflet d’activités professionnelles reconnues par la communauté des audiologistes du Québec. Il s’adresse aux audiologistes qui travaillent dans différents milieux et qui ont à réaliser des interventions à l’une des quatre étapes du processus d’ajustement de prothèses auditives. Des adaptations peuvent s’appliquer en fonction du lieu de pratique et de la clientèle. Les recommandations peuvent ne pas être applicables dans toutes les situations cliniques. Le jugement professionnel est nécessaire afin de déterminer la pertinence des interventions. Ainsi, il est possible que seulement certaines recommandations soient appropriées dans un milieu ou un contexte donné. Par exemple, il pourrait y avoir une implication de l’audiologiste qui pratique en centre hospitalier dans l’évaluation et la recommandation de l’amplification auditive, mais pas dans le processus de vérification et de validation de l’appareillage auditif.

GÉNÉRALITÉS

Au sein du système professionnel québécois, chaque ordre a pour principale fonction d’assurer la protection du public. À cette fin, il doit notamment contrôler l’exercice de la profession par ses membres (Code des professions, L.R.Q., chapitre C-26, art. 23).

Contexte législatif

En juin 2003, avec l’entrée en vigueur de la Loi modifiant le Code des professions et autres dispositions législatives dans le domaine de la santé (PL90), les audiologistes se voient réserver l’activité « ajuster une aide auditive dans le cadre d’une intervention audiologique » (Code des professions, L.R.Q., chapitre C-26, art. 37.1, 2e alinéa, b). Dans ce contexte, l’ajustement de la prothèse auditive1 est partagé avec les audioprothésistes. En effet, « Constitue l’exercice de la profession d’audioprothésiste tout acte qui a pour objet de vendre, de poser, d’ajuster ou de remplacer des prothèses auditives » (Loi sur les audioprothésistes, L.R.Q, chapitre A-33, art. 7). Les audiologistes doivent réaliser l’activité réservée en fonction de leur champ d’exercice « évaluer les fonctions de l’audition, du langage, de la voix et de la parole, déterminer un plan de traitement et d’intervention et en assurer la mise en œuvre dans le but d’améliorer ou de rétablir la communication » (Code des professions, L.R.Q., chapitre C-26, art. 37 m).

L’approche collaborative entre les professionnelles et professionnels

Les services en lien avec l’amplification auditive au Québec s’actualisent dans un contexte de collaboration multidisciplinaire impliquant plusieurs professionnelles et professionnels, la ou le médecin ORL et l’audioprothésiste, notamment. L’intérêt de la cliente-partenaire ou du client-partenaire doit être placé au centre des interventions et les différentes implications des professionnelles et professionnels doivent se faire en concertation et en collaboration en impliquant la cliente ou le client, de façon que la personne obtienne des services de qualité. Il est important de s’assurer de l’harmonisation de ces services, en fonction des particularités contextuelles et régionales. Un système de référence de l’ensemble des professionnelles impliquées et professionnels impliqués, dans la prestation de services en amplification auditive, doit être mis en place, afin de faciliter l’accessibilité aux services.

Installations et équipements

Les salles servant à l’évaluation audiologique et les équipements utilisés pour l’évaluation audiologique, la vérification et l’ajustement des prothèses auditives doivent en tout temps respecter les normes bioacoustiques de la Série S3 en vigueur, établies par l’American National Standards Institute (ANSI), ainsi que toutes modifications ultérieures qui y seront apportées. De plus, les équipements doivent être étalonnés au minimum une fois par année et l’audiologiste doit conserver sur une période de 5 ans les données de l’étalonnage.


1 La prothèse auditive est une aide auditive qui vise à améliorer ou à réhabiliter un déficit auditif en amplifiant le stimulus sonore à son arrivée à l’oreille. La prothèse auditive est généralement portée sur l’oreille ou dissimulée à l’intérieur de l’oreille (OQLF, 2003).

DÉMARCHE D’APPAREILLAGE EN QUATRE ÉTAPES

1 - ÉVALUATION AUDIOLOGIQUE

 L’évaluation audiologique doit comprendre les éléments suivants :

  • Le motif de consultation et l’histoire de cas ;
  • La visualisation des conduits auditifs externes ;
  • L’audiométrie tonale ;
  • L’audiométrie vocale ;
  • L’impédancemétrie ;
  • La mesure des niveaux d’inconfort ;
  • L’évaluation globale des besoins ;
  • Autres évaluations spécifiques (exemple: HINT) ;
  • Une référence à d’autres professionnelles et professionnels, selon le besoin.

Dans le cadre d’une évaluation audiologique en vue de la recommandation d’une prothèse auditive, l’utilisation des écouteurs intra-auriculaires doit être privilégiée, puisque son utilisation appariée à celle de la mesure de la différence entre le coupleur et l’oreille réelle (« Real Ear Coupler Difference » : RECD) améliore la précision du processus de sélection et vérification, et diminue le besoin d’utiliser des facteurs de corrections entre les résultats de l’audiométrie et les données des prothèses auditives sur coupleur 2cc.

L’évaluation globale des besoins permet de préciser les objectifs du plan d’intervention audiologique notamment de l’amplification. Elle peut se faire par une entrevue structurée ou par l’utilisation de questionnaires formels. Il s’agit alors d’identifier les limitations d’activités et les restrictions de participation vécues par la cliente ou le client. Les questionnaires validés permettent, de plus, une comparaison quantifiable des performances pré et post appareillage. Cette étape constitue la démarche initiale de validation qui permettra ultérieurement de mesurer les résultats de l’amplification auditive.

Ceux-ci, sans y être limités, sont par exemple :

  • « Client Oriented Scale of Improvement » (COSI) ;
  • « Abbreviated Profile of Hearing Aid Benefit » (APHAB) ;
  • « Hearing Handicap Inventory for the Elderly » (HHIE) ;
  • « Glasgow Hearing Aid Benefit Profile » (GHABP).

La présence des membres de la famille et de personnes significatives pour la cliente ou le client est un atout important dans le processus de réadaptation. Elle peut contribuer à l’identification des difficultés vécues par la cliente ou le client et son entourage et à l’établissement des objectifs d’intervention.

2 - RECOMMANDATIONS

L’audiologiste doit déterminer si la cliente est une candidate ou le client est un candidat pour l’amplification auditive à partir de son évaluation audiologique.

Éléments à considérer

Lorsqu’elle ou il recommande une prothèse auditive, l’audiologiste doit discuter des points suivants avec sa cliente ou son client :

  • Les motifs qui mènent à la recommandation d’une prothèse auditive en fonction de l’évaluation audiologique, des incapacités et des situations de handicap relevées ;
  • Les attentes ;
  • La motivation ;
  • Les limitations fonctionnelles ;
  • Les avantages et limites de la prothèse auditive ;
  • Les modèles et technologies disponibles et appropriées ;
  • Les programmes gouvernementaux, organismes payeurs et coûts possibles.

Amplification bilatérale

Les avantages potentiels de l’amplification bilatérale sont connus (réduction de l’effet d’ombrage de la tête, effet de sommation, amélioration de l’intelligibilité de la parole, localisation, qualité sonore, atténuation de la privation sensorielle, masquage et suppression des acouphènes [voir Dillon (2001) et Neuman (1996) pour revue]). Il n’y a pas de consensus précis dans la littérature sur les critères audiométriques à utiliser pour définir une perte auditive symétrique, versus asymétrique, pouvant assurément avoir une incidence sur le succès de l’appareillage (Dillon, 2001). De plus, les évidences scientifiques suggèrent que presque toute personne malentendante bénéficiera de l’amplification de deux prothèses auditives, au moins dans certaines situations (Dillon, 2001). Dans ce contexte, en présence d’une surdité bilatérale (ne présentant pas un des critères énumérés sous la section Amplification unilatérale), l’amplification bilatérale devrait être recommandée d’emblée, et ce, sans égard aux critères administratifs des différents programmes d’attribution en vigueur.

Amplification unilatérale

L’amplification unilatérale peut être indiquée dans certains cas :

  • Surdité asymétrique très importante ou unilatérale ;
  • Une des deux oreilles ne peut bénéficier de l’amplification auditive ;
  • Contre-indication médicale à l’appareillage d’un côté ;
  • Interférence binaurale ;
  • Problèmes moteurs nuisant à l’autonomie au plan de la gestion de la prothèse.

La ou les raisons pour lesquelles l’amplification unilatérale est préférée à l’amplification bilatérale doivent être inscrites au dossier. Il est également possible que la cliente ou le client décline l’amplification bilatérale pour des raisons financières, esthétiques ou psychologiques. Lorsque la cliente ou le client refuse l’amplification bilatérale lors de l’appareillage auditif initial, elle ou il devrait être avisé des inconvénients associés à l’amplification unilatérale : un rendement sous-optimal aux plans de la localisation et de l’intelligibilité de la parole, surtout dans le bruit, de même qu’une possible privation sensorielle (voir Neuman, 1996, pour revue). L’amplification bilatérale pourra être proposée à nouveau au cours du suivi de réadaptation.

Modèle de la prothèse auditive

Le modèle (intra-auriculaire, contour d’oreille, ouvert, écouteur dans le canal, etc.) de la prothèse auditive peut être suggéré par l’audiologiste, considérant son évaluation globale des besoins et dépendamment de plusieurs facteurs, tels que :

  • Le gain et le niveau de sortie requis ;
  • La taille et la forme de l’oreille externe (pavillon et conduit auditif externe) ;
  • La motricité fine de la cliente ou du client ;
  • La sensibilité de la peau ;
  • Le besoin de caractéristiques et de technologies spécifiques ;
  • Le confort ;
  • L’effet d’occlusion ;
  • L’esthétique ;
  • etc.

L’accès à un contrôle de volume est une option à considérer pour plusieurs clientes et clients. En effet, certaines personnes expérimentées à porter des prothèses auditives vivent mal l’absence de contrôle de volume, ce qui pourrait être un motif de rejet. Dans plusieurs modèles de prothèse auditive, il peut être activé ou désactivé, selon les besoins de la cliente ou du client. Il peut également être contrôlé par télécommande.

Options et caractéristiques avancées

Les options de connexion, telles que l’entrée audio directe, la bobine à induction magnétique et l’interface de connexion doivent être considérées lorsqu’elles sont appropriées. Par exemple, l’entrée audio directe permet l’utilisation du système FM, la bobine à induction magnétique sert à l’utilisation du téléphone et l’interface de connexion permet un couplage avec les dispositifs avec compatibilité Bluetooth (téléphones, ordinateurs, téléviseurs, etc.).

Les caractéristiques avancées des prothèses auditives recommandées, telles que le type de traitement du signal (compression dynamique ou linéaire), le nombre de bandes et de canaux, les programmes d’écoute multiple, les types d’enclenchements et de patrons de directivité des microphones (omnidirectionnels, directionnels fixes automatiques ou adaptatifs), le réducteur de bruit, le gestionnaire de l’effet Larsen, ou les algorithmes de gestion spectrale (compression fréquentielle, transposition fréquentielle, transposition spectrale), doivent être sélectionnées de façon à répondre au besoin de la cliente ou du client tout en restaurant, dans la mesure de possible, l’audibilité et l’intelligibilité de la parole et le confort d’écoute.

Le « Contralateral Routing of the Signal » (CROS) et le « Bilateral Contralateral Routing of the Signal » (BICROS) sont respectivement conçus pour les personnes ayant une surdité unilatérale et une surdité bilatérale asymétrique, avec une des deux oreilles non appareillables.

3 - Vérification

La vérification de l’état physique, des paramètres électroacoustiques et des ajustements de la prothèse auditive se fait dans le cadre d’un plan d’intervention audiologique. Elle permet de s’assurer du bon fonctionnement des prothèses auditives et de s’assurer que l’amplification qu’elles procurent à la cliente ou au client soit appropriée. Cette vérification peut se faire lors d’un suivi audiologique, à la suite d’un premier appareillage auditif chez l’audioprothésiste ou lors d’un suivi régulier en audiologie. Une bonne collaboration entre les audiologistes et les audioprothésistes est essentielle pour assurer un continuum de services en amplification auditive.

Inspection visuelle

L’inspection visuelle permet de constater l’état physique des prothèses auditives et d’identifier les éléments suivants :

  • Fissures dans la coquille, le moule ou le boitier ;
  • Tube de l’embout durci ;
  • Porte de pile brisée ;
  • Présence importante de cérumen dans l’écouteur ou dans le moule ;
  • Placement des microphones ;
  • etc.

Test d’écoute

Un test d’écoute des prothèses auditives via un stéthosclip ou un embout d’écoute permettra, par exemple, d’identifier les éléments suivants :

  • Fonctionnement du contrôle de volume, des interrupteurs et de la télé bobine ;
  • Présence d’effet de Larsen interne ;
  • Distorsion ;
  • Bruit interne ;
  • Intermittence ;
  • Fonctionnement des microphones directionnels ;
  • Fonctionnement du système de réduction du bruit ;
  • Fonctionnement des différents programmes ;
  • Fonctionnement de l’entrée audio directe avec les différentes sources (lecteur de MP3 – système MF – systèmes pour télévision – ordinateur) ;
  • Fonctionnement de l’interface de connectivité.

Vérification des paramètres électroacoustiques

La vérification des paramètres électroacoustiques sur coupleur 2cc permet de contrôler la qualité des prothèses auditives et de quantifier précisément les écarts de performances possibles avec les spécifications du manufacturier. Les mesures réalisées doivent être conformes à celles du fabricant, et ce, à l’intérieur des tolérances permises selon la norme ANSI2 utilisée par le fabricant, afin de vérifier l’intégrité de la prothèse auditive.


2 ANSI S3.22-1996-R2003 : American National Standards Specification of Hearing Aid Characteristics.

Ajustement physique

Une évaluation de l’ajustement physique de la prothèse auditive permet de s’assurer :

  • De la rétention de la prothèse auditive dans l’oreille ;
  • De la capacité à l’insérer ou à la retirer ;
  • Du confort physique en général ;
  • Du placement physique des microphones directionnels ;
  • De l’absence d’effet Larsen.

Méthodes prescriptives

Les méthodes prescriptives permettent de calculer les cibles de gain et de sortie maximale à partir des données audiométriques. Ces cibles visent à permettre l’amplification de la parole de manière qu’elle soit audible, intelligible et confortable pour la personne appareillée.

Il est reconnu scientifiquement que les méthodes prescriptives suivantes constituent un point de départ acceptable pour l’ajustement de la prothèse auditive :

  • NAL-NL1/NAL-NL2 (« National Acoustics Laboratory – Non-linear version 1 or 2 ») ;
  • DSL 5.0 (« Desired Sensation Level multistage input/output ») ;
  • NAL-RP (« National Acoustics Laboratory-Revised, Profound ») – seulement pour l’amplification linéaire.

Mesures objectives

Les ajustements des prothèses auditives doivent être vérifiés à l’aide de mesures électroacoustiques objectives dans l’oreille de la cliente ou du client, réalisées par une sonde microphonique ou dans un coupleur 2cc. Les mesures pouvant être effectuées en fonction du transducteur utilisé lors de l’évaluation et de la méthode prescriptive utilisée sont les suivantes :

  • « Real-Ear Unaided Response/Gain » (REUR/G) ;
  • « Real-Ear Aided Response/Gain » (REAR/G) ;
  • « Real-Ear Insertion Gain » (REIG) ;
  • « Real Ear Coupler Difference » (RECD) ;
  • « Real Ear Saturation Response » (RESR).

Les mesures dans l’oreille de la cliente ou du client sont à privilégier, puisqu’elles sont individualisées et plus précises. De plus, une mesure personnalisée du RECD est préférable au RECD moyen.

Vérification de l’ajustement

Afin de s’assurer que la prothèse auditive amplifie la parole de manière qu’elle soit audible, intelligible et confortable pour la cliente ou le client, la vérification du niveau de sortie (ou du gain) doit se faire à plusieurs niveaux d’entrée :

  • Faible (50-55dB SPL) ;
  • Moyen (65dB SPL) ;
  • Élevé (75-80dB SPL).

Un signal de parole ou un signal qui simule la parole doit être utilisé lorsque la vérification des ajustements de la prothèse auditive est faite à partir de méthodes prescriptives, dont les cibles sont basées sur un signal de parole. Ce signal doit représenter adéquatement les aspects fréquentiels, temporels et d’intensité de la parole.

Afin d’éviter que les niveaux de sortie maximale dépassent les niveaux d’inconfort de la cliente ou du client et de mesurer le risque de suramplification, une mesure du RESR, à l’aide d’un balayage de sons purs, peut être réalisée. Un niveau de présentation de 85 dB SPL est utilisé si la mesure est effectuée dans l’oreille à l’aide d’un microphone-sonde. Dans le cas où une mesure dans l’oreille est impossible, une mesure peut être réalisée dans un coupleur 2cc, avec un niveau de présentation de 90 dB SPL. Lorsqu’il n’est pas possible, ou désirable, d’atteindre les cibles ou lorsque le niveau de sortie maximale dépasse les niveaux d’inconfort, une note explicative devrait être inscrite au dossier.

Caractéristiques avancées

Lorsque    pertinent,    il    est     recommandé    d’effectuer    la     vérification    des caractéristiques avancées des prothèses auditives, telles que :

  • La bobine téléphonique ;
  • Les microphones directionnels ;
  • Le réducteur de bruit ;
  • Le gestionnaire d’effet Larsen ;
  • Le gestionnaire d’effet d’occlusion ;
  • Les algorithmes de gestion spectrale.

La collaboration des proches

Lors du suivi de réadaptation en lien avec l’appareillage auditif, une grande quantité d’informations est transmise oralement à la clientèle. Il est alors fortement suggéré que la cliente ou le client vienne en compagnie d’au moins une personne significative et de fournir du matériel écrit auquel elle ou il pourra se référer.

Des informations concernant l’utilisation de la prothèse auditive peuvent être données à la cliente ou au client, au besoin. Par exemple :

  • Les caractéristiques de la prothèse  auditive (programmes, bobine téléphonique, microphone directionnel, etc.) ;
  • Comment insérer et retirer la prothèse auditive ;
  • L’utilisation des piles ;
  • L’entretien et le nettoyage ;
  • Le confort ;
  • L’effet Larsen ;
  • L’utilisation du téléphone ;
  • L’importance d’avoir une assurance.

Soutien/conseils

Des informations en lien avec la prothèse auditive devraient être offertes aux premières utilisatrices et premiers utilisateurs de prothèse auditive ou aux utilisatrices et utilisateurs avec expérience qui n’ont jamais reçu ce type de service ou qui ont besoin d’une mise à jour. Le principal partenaire de communication de la cliente ou du client devrait se présenter lors des rencontres. Cela peut se faire de façon individuelle ou en groupe. Un programme de réadaptation peut inclure les thèmes suivants :

  • L’anatomie et la physiologie de l’oreille ;
  • L’audiogramme ;
  • Les problèmes associés avec la compréhension de la parole dans le bruit ;
  • Les stratégies de communication ;
  • Les modifications de l’environnement ;
  • L’ajustement des attentes ;
  • La lecture labiale ;
  • Les aides de suppléance à l’audition ;
  • L’entretien et l’utilisation des prothèses auditives ;
  • Les ressources disponibles ;
  • La période d’ajustement et d’acclimatation à l’amplification auditive.

4 - VALIDATION

Au cours du processus de réadaptation, il est essentiel de réaliser au moins une mesure des résultats concernant l’amplification auditive, afin de s’assurer de l’efficacité des interventions. L’étape de la validation constitue la mesure des résultats de l’amplification auditive, c’est-à-dire à quel point la prothèse auditive a permis une réduction ou une élimination des limitations d’activités (incapacités) et des restrictions de participation (situations de handicap) (Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé, Organisation mondiale de la santé, 2001) vécues par la cliente ou le client et son entourage. Les outils de mesure utilisés doivent permettre d’évaluer si les objectifs en lien avec l’appareillage auditif ont été atteints et si d’autres moyens sont à prévoir pour les atteindre.

La mesure des résultats peut viser différents aspects, notamment les bénéfices de la prothèse auditive, les impacts sur les habitudes de vie et le niveau de satisfaction. Ces mesures peuvent se faire objectivement ou subjectivement.

Mesures objectives

Les mesures objectives des bénéfices constituent la comparaison entre les performances appareillées et non appareillées. Dans la vie de tous les jours, les situations qui exigent une bonne compréhension de la parole sont influencées par de nombreux facteurs reliés à l’environnement et à la cliente elle-même ou au client lui-même. Cette complexité limite donc les mesures objectives des bénéfices aux tests d’intelligibilité de la parole. Ces tests peuvent être réalisés dans le silence ou dans le bruit et à partir de phrases ou de mots. Le « Hearing In Noise Test » (HINT) (Development of the hearing in noise test for the measurement of speech reception thresholds in quiet and in noise. J Acoust Soc Am, 95, 1085-99. Nilsson, M., Soli, S.D. & Sullivan, J.A. (1994)) est un exemple de test d’intelligibilité de la parole.

Mesures par questionnaires

Des questionnaires validés peuvent être remplis avant et après le processus d’appareillage auditif. La différence entre les conditions pré et post appareillage auditif constitue les bénéfices subjectifs de l’amplification auditive. Les questionnaires disponibles sont par exemple :

  • Le « Abbreviated Profile of Hearing Instrument Benefit » (APHAB) ;
  • Le « Hearing Handicap Inventory for the Elderly » (HHIE) ;
  • Le « Client Oriented Scale of Improvement » (COSI).

Le niveau de satisfaction est en soi un concept subjectif et ne peut être évalué de façon objective. Les mesures de satisfaction demandent le point de vue de la clientèle. Le questionnaire « Satisfaction with Amplification in Daily Life » (SADL) est un exemple de mesure de satisfaction rapportée par l’utilisatrice ou l’utilisateur de prothèses auditives.

Il existe des questionnaires qui permettent de mesurer plusieurs aspects dans un même outil tels que les bénéfices, la satisfaction et la qualité de vie. En voici des exemples :

  • Le « Glasow Hearing Aid Benefit Profile » (GHABP) ;
  • Le « International Outcome Inventory – Hearings Aids » (IOI-HA).

Les résultats de l’appareillage auditif ont grand avantage à être mesurés, afin d’évaluer l’efficacité des interventions auprès de la clientèle. À plus grande échelle, la mesure systématique des résultats de l’appareillage auditif permet aux audiologistes de fonder leur pratique sur des données probantes et sur des pratiques reconnues dans le domaine et ainsi, minimiser la variabilité des résultats, maximiser l’efficacité de leurs interventions et améliorer la satisfaction et la participation sociale de leurs clientes et clients.

CONCLUSION

Le contenu de cette page permet de cerner l’importance et la complexité du processus d’appareillage et les exigences cliniques auxquelles les professionnelles et professionnels doivent répondre afin d’offrir le meilleur service possible à la personne présentant un trouble auditif. Un service de qualité repose sur la mise en commun de compétences professionnelles variées. L’audiologiste est un acteur clé dans ce domaine. Sa vision globale des besoins en lien avec les capacités auditives et les habitudes de vie de la personne lui permet d’améliorer ou de rétablir l’aptitude des personnes à entendre et à communiquer. Les connaissances cliniques et la maîtrise des divers outils d’évaluation standardisés, propres à ce domaine, sont nécessaires pour l’implication de l’audiologiste dans le processus d’appareillage. Au cours du processus d’amplification, il est important d’assurer à la personne qui présente un trouble auditif persistant, l’accès à des services pertinents, centrés sur ses besoins particuliers, et de soutenir sa famille et ses proches.


Références : 

  • Directives professionnelles préférées concernant la prescription de prothèses auditives à des adultes, Ordre des audiologistes et des orthophonistes de l’Ontario, décembre 2002.
  • Dillon H, Binaural and Bilateral considerations in hearing aid fitting. In: Dillon H. Hearing Aids, Thieme, New York, 2001.
  • Good Practice Guidance for Adult Hearing Aid Fitting and Services, International Society of Audiology, Royaume-Uni, 2005.
  • Guidelines for Hearing Aid Fitting for Adults, American Speech-Language- Hearing Association, 1998.
  • Guidelines for the Audiologic Management of Adult Hearing Impairment, American Academy of Audiology, 2008.
  • Neuman AC, Late-onset auditory deprivation: A review of past research and an assessment of future research needs. Ear and Hearing 17 (3 suppl): 3S- 14S), 1996.
  • Practice Guidelines for Dispensing Hearing Aids to Adults, College of Speech and Hearing Health Professionals of BC, Colombie-Britannique, octobre 2010.