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L’Ordre des orthophonistes et des audiologistes du Québec (OOAQ) reçoit à l’occasion des questionnements de la part des milieux cliniques concernant l’exposition au rayonnement ionisant lors d’un examen de vidéofluoroscopie de la déglutition (ou gorgée barytée modifiée [GBM]). Dans un souci de protection du public, il importe de bien cerner les enjeux cliniques associés à un examen de GBM et de mettre en place les mesures de protection optimales pour la patiente ou le patient. Après consultation des données probantes, d’expertes et experts cliniques et en collaboration avec l’Ordre des technologues en imagerie médicale, en radio-oncologie et en électrophysiologie médicale du Québec (OTIMROEPMQ), l’OOAQ par cette fiche professionnelle veut informer ou rappeler à ses membres :
Rappelons d’abord qu’une évaluation clinique de la déglutition est réalisée et qu’elle inclut habituellement une anamnèse, une évaluation de l’intégrité/mobilité/sensibilité des structures orales, des fonctions respiratoires et laryngées, de la voix et de la parole ainsi que des essais cliniques de déglutition en utilisant des consistances et textures variées de tailles différentes. L’orthophoniste pourra ainsi caractériser les mécanismes physiopathologiques de la déglutition (dysphagie) entraînant, entre autres, des risques d’étouffement ou d’aspiration à la déglutition. L’évaluation clinique est la première étape du processus d’évaluation et elle est normalement suffisante pour établir le plan d’intervention avec la patiente ou le patient et en collaboration avec d’autres professionnelles et professionnels.
Toutefois, celle-ci ne permet pas une évaluation objective de plusieurs composantes nécessaires à une déglutition sécuritaire et fonctionnelle, notamment au niveau de la mobilité et de la sensibilité pharyngolaryngée. Il arrive donc à l’occasion que l’orthophoniste doive, selon son jugement clinique et les discussions avec les autres spécialistes, poursuivre son évaluation sous vidéofluoroscopie pour bien caractériser l’anatomophysiologie impliquée, son étiologie, son pronostic, le risque d’aspiration ou d’étouffement associé.
L’orthophoniste, en collaboration avec la ou le médecin et l’équipe traitante, doit gérer dans certains cas l’incertitude liée aux mécanismes impliqués dans la physiologie de la déglutition oro-pharyngolaryngée et les risques pour la patiente ou le patient associés aux difficultés observées. Il faut se demander si les bénéfices attendus quant au plan d’intervention et de réadaptation sont plus grands que les risques à passer un examen de GBM. Dans une optique de décision partagée avec la patiente ou le patient et dans le respect du contexte personnel et des souhaits ou volontés de la patiente, du patient ou de ses proches, l’orthophoniste engage un dialogue avec ces personnes afin de leur exposer une information juste et complète quant à la réalisation d’une GBM. Ayant en main le consentement libre et éclairé de la patiente ou du patient, ainsi que les problématiques cliniques clairement identifiées comme essentielles à l’élaboration du plan d’intervention, un examen de la déglutition par vidéofluoroscopie pourra alors être réalisé.
À partir d’une ordonnance médicale valide et d’un protocole encadrant la procédure, la ou le technologue en imagerie médicale réalisera la GBM en collaboration avec l’orthophoniste qui évaluera de façon directe, approfondie et objective la physiologie de la déglutition oro-pharyngolaryngée. Lors de l’examen, la présence de la ou du radiologiste n’est pas toujours requise.
La ou le technologue a la responsabilité de superviser la radioscopie et de procéder à l’acquisition d’images. De plus, elle ou il doit connaitre le protocole relatif à la GBM ainsi que les paramètres techniques adéquats notamment, la distance foyer-peau, les facteurs techniques et la collimation. La ou le technologue doit mettre en place toutes les mesures permettant d’optimiser la radioprotection de la patiente ou du patient en maintenant les doses transmises aussi faibles que possible sans perte d’informations diagnostiques (principe ALADA [As Low As Diagnostically Acceptable]).
Pour pouvoir bien analyser les différents mécanismes physiologiques de la déglutition, l’étude débutera par une vue latérale des tissus mous du cou. L’orthophoniste réalisera l’évaluation à l’aide de différents essais de déglutition déjà identifiés au protocole et présentés en tailles, textures et consistances diverses auxquelles a été ajouté un produit de contraste (sulfate de baryum). L’évaluation pourra, selon les besoins cliniques, se poursuivre par une vue antéro-postérieure du pharynx et de la gorge.
Comme le transit pharyngé des bolus de la déglutition a une durée approximative d’une seconde, l’interprétation et l’analyse de la GBM dépendront notamment du nombre et de la qualité des images obtenues. Un taux élevé d’acquisition des images, soit 30 images/seconde, est recommandé pour assurer l’observation et l’analyse d’événements brefs ou subtils ayant un impact sur l’efficience et la sécurité de la déglutition.
Conscientes et conscients que ce taux d’acquisition de 30 images/seconde augmente la dose de radiation reçue par la patiente ou le patient, il devient primordial de tenter de réduire le plus possible le temps d’exposition.
L'orthophoniste s’assure, en ciblant précisément ce qu’elle ou il veut évaluer, de limiter le temps de réalisation de l’examen notamment en réduisant au minimum le nombre d’essais de déglutition nécessaires à son évaluation et en communiquant clairement les consignes de début et d’arrêt de prise d’images. De son côté, la ou le technologue en imagerie médicale devra respecter les principes de radioprotection, par exemple en favorisant le mode pulsé de préférence au mode continu et en appliquant les moyens de radioprotection envers la patiente ou le patient, les professionnelles et professionnels en salle et les accompagnatrices et accompagnateurs, s’il y a lieu.
L’orthophoniste révise ensuite les images radiologiques de la déglutition enregistrées sur un support technologique qui permet une bonne résolution de l’examen et les analyse en regard des paramètres physiologiques attendus dans une déglutition oro-pharyngolaryngée normale. L’orthophoniste fera un retour à l’équipe, à la médecin traitante ou au médecin traitant, formulera des recommandations à la patiente ou au patient et pourra mettre en œuvre des interventions pour pallier, maintenir ou améliorer ses capacités de déglutition.
La réalisation d’une gorgée barytée modifiée est un bel exemple de travail de collaboration interprofessionnelle. La ou le technologue en imagerie médicale doit comprendre le bien-fondé de cet examen et l’orthophoniste doit être consciente ou conscient des effets du rayonnement ionisant. L’émission de radiation (radioscopie/vidéofluoroscopie) est au cœur même de cette évaluation. Une analyse systémique et judicieuse des risques associés à l’examen ainsi qu’aux troubles de la déglutition demeure indispensable à la prise de décision de réaliser ou non une GBM.