Une responsabilité professionnelle au cœur de la protection du public

Les enjeux de protection du public relatifs aux dossiers se retrouvent principalement en pratique privée, puisqu’au public il existe des lois pour encadrer les établissements dans la conservation et le droit d’accès aux dossiers. Cependant, l’ensemble des orthophonistes et audiologistes ont intérêt à prendre connaissance des obligations suivantes relatives aux dossiers pour être en mesure d’en comprendre tous les tenants et aboutissants.

Rappelons d’abord que les orthophonistes et audiologistes ont l’obligation de tenir, à l’endroit où elles ou ils exercent, un dossier pour chacune de leurs clientes et chacun de leurs clients. La protection des renseignements que contiennent les dossiers ainsi que les obligations professionnelles et légales associées sont essentielles. Cette fiche a pour but de soutenir les orthophonistes et les audiologistes qui exercent en pratique privée à :

  • gérer de façon conforme les dossiers règlementaires qui ont été constitués pour la clientèle, et ce peu importe le format du dossier ou la situation professionnelle;
  • s’approprier les obligations professionnelles relatives aux dossiers, soit d’assurer leur confidentialité et leur garde, en permettre l’accès et la rectification et en assurer leur destruction après les délais prescrits.

Les droits de la cliente ou du client à l’égard de son dossier

Pour comprendre les obligations professionnelles relatives aux dossiers, il faut être au fait qu’une cliente ou un client a les droits suivants :

  • le droit d’avoir un dossier ouvert à son nom;
  • le droit d’avoir un dossier qui rend compte, entre autres, des observations, évaluations, interventions, analyses la ou le concernant ainsi que l’ensemble des renseignements recueillis à son sujet;
  • le droit que son dossier soit conservé pendant un certain temps, gardé et protégé par l’établissement ou la professionnelle ou le professionnel qui le constitue;
  • le droit que l’ensemble du dossier demeure confidentiel et que nul n’y ait accès sans son autorisation, sauf dans les cas prévus par la loi;
  • le droit de se faire assister pour comprendre toutes les informations contenues à son dossier;
  • le droit de faire rectifier tout renseignement inexact, incomplet ou équivoque à son dossier;
  • le droit de faire détruire ses dossiers devenus inactifs;
  • le droit d’exercer des recours si on lui refuse l’accès à son dossier, la rectification d’informations y apparaissant ou la destruction du dossier.

Source : Cabinet Ménard Martin avocats, vos droits en santé

De plus, il faut considérer que les informations et les notes consignées dans un dossier professionnel jouent un rôle central lors de recours en responsabilité professionnelle ou lors de litiges judiciaires. Ces raisons ainsi que les droits des usagères et usagers justifient tout l’encadrement déontologique et légal nécessaire pour les questions relatives à la confidentialité, la garde, l’accès, les demandes de rectifications et la destruction des dossiers.

Obligations professionnelles relatives aux dossiers

Peu importe leur format et le support sur lequel ils sont conservés, lorsque dans un mandat donné, des renseignements sont colligés sur une cliente, un client ou un groupe de clientes et clients, la ou le membre doit tenir un dossier règlementaire. Des obligations déontologiques y sont associées.

1. Préserver la confidentialité

« Les professionnels doivent respecter le secret de tout renseignement de nature confidentielle qui vient à leur connaissance dans l’exercice de leur profession » (Code des professions, art.60.4). Ainsi, les dossiers, quel qu’en soit le format (papier ou électronique), seront conservés de manière à ce que la confidentialité des renseignements qui y sont contenus soit assurée (Règlement, art. 9 et art.12).

2. Assurer la garde

Les dossiers doivent être conservés de façon à en préserver la confidentialité. Ainsi,

  • les dossiers électroniques ou numérisés peuvent être gardés sur un support de stockage numérique (ex. : support électronique comme un ordinateur, une tablette, une clé USB, un cellulaire, ou encore un support virtuel comme un nuage informatique), pourvu que la confidentialité des informations ainsi que l’intégrité et la pérennité des données tout au long de leur cycle de vie puissent être préservées;
  • les dossiers papier doivent être conservés dans un meuble ou un local auquel le public n’a pas librement accès et pouvant être fermé à clé ou autrement et ne doivent pas être accessibles aux personnes non-autorisées. Par ailleurs, si le dossier papier est numérisé, il sera alors conservé comme un document électronique. De plus, le nouveau document numérisé peut être considéré comme l'équivalent de l'original papier. Il ne sera donc pas nécessaire de conserver ce dernier si l’information contenue dans le document résultant du transfert n'a pas été altérée.

Afin de préserver le contenu des dossiers en cas d’intempéries ou d’accidents (ex. : vol, feu, dégât d’eau, bris ou brèche de sécurité informatique), il serait judicieux de se doter d’un mécanisme de copie de sauvegarde informatique conservée de façon sécuritaire.

3. Permettre l’accès

La ou le membre doit pouvoir :  

  • permettre à la cliente ou au client d’avoir accès au dossier constitué à son sujet et aux documents qui la ou le concernent pour :
    • en prendre connaissance;
    • en obtenir une copie;
    • formuler par écrit des commentaires pour qu’ils soient versés au dossier;
    • consentir à la transmission d’informations à un tiers;
  • permettre que les informations qui y sont colligées puissent :
    • être partagées avec le consentement de la cliente ou du client pour assurer une continuité de services ou être utilisées à des fins de recherche;
    • être consultées par l’Ordre pour ses mécanismes de surveillance de la profession notamment dans le cadre d’une inspection professionnelle ou d’une enquête pour infractions déontologiques ou règlementaires.

Rappelons que l’orthophoniste ou l’audiologiste détenant le dossier qui fait l’objet d’une demande d’accès ou de rectification par la personne concernée devra donner suite à cette demande avec diligence et selon les délais prescrits par la loi, au plus tard dans les 30 jours de la date de la demande.

4. Permettre la rectification

L’orthophoniste ou l’audiologiste doit permettre à une cliente ou un client de faire corriger, dans un document qui la ou le concerne et qui est inclus dans le dossier constitué à son sujet, des renseignements inexacts, incomplets ou équivoques en regard des fins pour lesquelles ils sont recueillis. La cliente ou le client pourrait également faire supprimer tout renseignement périmé ou non justifié par l’objet du dossier.

Rectifier ou supprimer des renseignements contenus dans un dossier n’est pas anodin et demande d’exercer son jugement professionnel pour prendre une décision la plus juste possible dans le contexte donné. Rappelons toutefois qu’il ne s’agit pas de modifier l’analyse ou les conclusions cliniques relatives à l’opinion professionnelle qui se doit d’être stable et fidèle à l’originale (voir la question 9 de la FAQ). Ainsi, une demande de rectification ou de suppression devrait toujours être analysée et validée par l’orthophoniste ou l’audiologiste.

5. Assurer une destruction sécuritaire

À l’expiration du délai de conservation d’un dossier prévu par les lois et les règlements applicables, la ou le membre peut procéder à sa destruction, à la condition que celle-ci soit faite de manière à ce que la confidentialité des renseignements qui y sont contenus soit assurée.

S’acquitter de ses obligations relatives aux dossiers

Vous travaillez à partir de votre domicile ou dans un espace locatif, en itinérance, en télépratique, dans une clinique multidisciplinaire ou médicale, pour une grande bannière offrant des services en santé auditive ou dans un organisme communautaire ? Peu importe votre milieu de travail ou votre statut d'emploi, toutes vos obligations relatives aux dossiers s’appliquent.

La règle de base est la suivante : si vous êtes inscrite ou inscrit au Tableau des membres de l’Ordre, vous demeurez responsable de vos dossiers et vous devez vous assurer que les cinq obligations ci-haut mentionnées sont remplies.

RAPPELS

Pendant au moins cinq ans après le dernier service rendu, vous devez être en mesure :

  • de vous assurer de la garde de vos dossiers;
  • de vous assurer que la confidentialité des renseignements qu’ils contiennent est préservée;
  • que l’accès aux dossiers puisse être réalisé dans les délais prescrits;
  • de pouvoir répondre à une demande de rectification ou de suppression d’informations, le cas échéant;
  • de vous assurer de la destruction des dossiers de façon conforme et dans les délais prescrits.

Dans un souci de prévoyance et pour s’assurer que les obligations relatives aux dossiers sont remplies, il est recommandé pour l’ensemble des membres exerçant en pratique privée de prévoir avec une ou un autre membre une entente de garde provisoire ou de cession, et de la mettre à jour lorsqu’il y a des changements. La procédure et le formulaire prévu à cet effet peuvent être consultés ici.

En cas de changement professionnel ou fin des services offerts

Comme il y a plusieurs façons d’offrir des services en pratique privée et que la responsabilité des dossiers n’est pas partagée avec un service d’archives comme dans un établissement public, il faut porter une attention particulière à la façon de s’acquitter de ses obligations relatives aux dossiers lorsqu’il y a un changement de lieu d’exercice ou un arrêt des services offerts en privé.

Dans de tels cas, que faire avec ses obligations relatives aux dossiers ? Voici les situations les plus fréquentes.

Vous travaillez en solo ou dans une organisation où il n'y a pas d'autres orthophonistes ou audiologistes.

Les responsabilités relatives aux dossiers sont :

      • assumées par vous-même si vous demeurez inscrite ou inscrit au Tableau des membres et ce, peu importe votre statut d’emploi;
      • cédées à une gardienne ou un gardien provisoire pendant votre absence si vous quittez temporairement le Tableau de l’Ordre. Il faut alors aviser l'Ordre selon la procédure et le formulaire prévu à cet effet;

        Cette situation s'applique si vous décidez de quitter le Tableau des membres pendant la durée de votre congé parental.

Vous travaillez avec d’autres collègues orthophonistes ou audiologistes.

Les responsabilités relatives aux dossiers sont :

  • assumées par vous-même ou peuvent être confiées à vos collègues selon une entente mutuelle lorsque vous demeurez inscrite ou inscrit au Tableau des membres. L’Ordre n’a pas à être avisé.
  • confiées à vos collègues pendant votre absence si vous quittez de façon temporaire le Tableau des membres (sans que soit nommée une gardienne ou un gardien provisoire). Il s’agit ici d’une entente temporaire et mutuelle. L’Ordre n’a pas à être avisé.
  • cédées à une ou un cessionnaire si vous quittez définitivement le Tableau de l’Ordre. Il faut alors aviser l’Ordre selon la procédure et le formulaire prévu à cet effet.

Vous quittez pour la retraite.

Les situations 1 et 2 décrites ci-dessus peuvent s’appliquer tout comme les responsabilités relatives aux dossiers suivantes.

  • Responsabilités assumées par vous-même pour cinq ans après le dernier service rendu.
    • En restant inscrite ou inscrit comme « membre régulier » au Tableau des membres.
    • En changeant votre statut de « membre régulier » à « membre retraité » (pour les membres de 55 ans et plus). Ce statut ne permet pas l’exercice de la profession, mais permet d’assumer ses obligations relatives aux dossiers. Pour plus d’informations, cliquez ici.
  • Responsabilités cédées à une ou un cessionnaire si vous quittez définitivement le Tableau de l’Ordre. Il faut alors aviser l’Ordre selon la procédure et le formulaire prévu à cet effet.

Situations particulières relatives aux dossiers

Départ subit ou imprévu

La personne pressentie comme gardienne provisoire ou comme collègue désignée doit être contactée rapidement pour convenir des mesures à prendre avec les dossiers et les informations à transmettre à vos clientes et clients. Si ce transfert des dossiers vers une ou un autre orthophoniste ou audiologiste n’est pas possible, une décision concertée avec des personnes de l’organisation est nécessaire pour déterminer les mesures à prendre afin d’aviser la clientèle et d’assurer les obligations relatives aux dossiers dans le respect de la règlementation professionnelle. Ultimement, si l’absence se prolonge et qu’aucune de ces solutions ne peut se concrétiser, l’Ordre devra être contacté.

L’Ordre comme cessionnaire, une mesure d’exception

Lorsque la ou le membre qui cesse d’exercer n’a pas été en mesure de trouver une ou un cessionnaire, dans les cas où une cession avait été convenue et qu’elle ne peut être exécutée, ou lorsque l’Ordre considère que la protection du public n’est pas assurée, l’Ordre peut agir comme cessionnaire. Des frais de traitement ou d’entreposage des dossiers pourraient alors être facturés.

Radiation ou permis révoqué 

Lorsqu’une ou un membre qui exerce au privé est radié de façon permanente ou que son permis est révoqué, la secrétaire générale de l’Ordre prend possession de ses dossiers dans les 15 jours suivant la survenance de l’une de ces éventualités, sauf si la ou le membre avait convenu d’une cession et que la copie de cette cession a été transmise dans les mêmes délais à la secrétaire générale de l’Ordre.

En cas de décès

Lorsqu’une ou un membre qui exerçait au privé décède, la secrétaire générale de l’Ordre prend possession de ses dossiers dans les 15 jours suivant la survenance du décès, sauf si la ou le membre avait convenu d’une cession et qu’une copie de cette cession a été transmise dans les mêmes délais à la secrétaire générale de l’Ordre. L’Ordre peut également accompagner la succession dans les démarches visant à trouver une ou un cessionnaire.

Clauses contractuelles

Avec la compréhension des obligations relatives aux dossiers décrites dans la présente fiche professionnelle, l’orthophoniste ou l’audiologiste qui signe un contrat de travail, de service ou toute autre entente avec une personne, une société ou une organisation doit porter une attention particulière aux clauses portant sur les dossiers. En effet, vous devez vous assurer que les clauses incluses dans ce contrat ou cette entente ne font pas obstacle à vos obligations. Ceci veut également dire qu’une personne ou une organisation avec qui vous signez un contrat ne peut déclarer qu’elle a un droit exclusif sur la propriété ou la garde des dossiers professionnels que vous constituez.

Lorsque vous travaillez dans un établissement du réseau de la Santé et des Services sociaux ou de l’Éducation

Si vous travaillez pour une organisation publique et que vous quittez votre employeur ou que vous n’exercez plus de fonction clinique, les dossiers professionnels qui ont été constitués seront habituellement transférés à d’autres orthophonistes ou audiologistes ou ils seront archivés dans un service dûment constitué à cet effet. Plusieurs lois (notamment la Loi sur les archives, la Loi sur les renseignements de santé et de services sociaux et la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics) encadrent les obligations relatives aux dossiers dans les organisations publiques du réseau de la Santé et des Services sociaux et de l’Éducation. Ainsi, les renseignements recueillis par l’orthophoniste ou l’audiologiste dans le cadre de ses fonctions sont assujettis à ces lois. C’est alors l’établissement public qui a les responsabilités de conservation et le contrôle sur l’accès au dossier selon les lois en vigueur.

Il en est de même lorsque vous n’exercez plus comme orthophoniste ou audiologiste et que vous quittez temporairement ou définitivement le Tableau des membres de l’Ordre. Vous n’avez pas à nommer de gardienne ou gardien provisoire ou de cessionnaire puisque l’établissement public où sont laissés les dossiers assure les obligations relatives aux dossiers.

RAPPEL

Dans les cas où l'orthophoniste ou l'audiologiste met fin à un service professionnel, peu importe son milieu de travail, elle ou il doit consigner dans le dossier une note de fermeture comportant les motifs de cessation ou un avis de transfert de dossier.